cout d un revetement BBTM d'apres article de presse de libération

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Bruit du périph : Paris déroule le tapis

21 juillet 2013 à 21:06

Un revêtement bitumeux qui réduit le son de roulement des véhicules est apposé cet été sur huit tronçons autour de la capitale.

Par HERVÉ MARCHON

Beaucoup de bruit pour moins de décibels. La semaine dernière, sur le périphérique parisien, les travaux de pose d’un bitume antibruit ont commencé dans le fracas des machines de chantier. D’ici la fin de l’été, huit tronçons de 300 mètres (pour le plus court) à 600 mètres (pour le plus long) seront recouverts d’un «enrobé phonique», comme on dit dans le BTP. Coût des travaux : 3,4 millions d’euros.

Il est 23 heures, Porte Maillot, trois engins fumants s’ébrouent lentement dans le martèlement des chenilles métalliques. Ils sont précédés de trois camions qui versent dans leur gueule l’enrobé froid. Dans leur sillage, les finisseurs étalent sur la chaussée le bitume chaud aux vapeurs alcoolisées, brillant et noir comme de la réglisse. La cinquantaine d’ouvriers, grosses chaussures, gilets fluo et protections auditives, communique par onomatopées aboyées et grands gestes. On n’entend plus que les aigus et les graves, les stridences et les vrombissements. Les machines couvrent le bruit des voitures du périphérique extérieur ouvert, lui, à la circulation. En une nuit et 24 camions de bitume, 560 mètres de voies seront rénovés. Au petit matin, les voitures pourront rouler. En passant sur cette portion de route, les automobilistes auront presque l’impression de rouler sur de la moquette.

Confort. De fait, le bruit de roulement (celui des pneus sur la chaussée), s’il est atténué dans l’habitacle de la voiture, est surtout réduit pour les riverains : de -2,2 à -4,3 décibels (dB) selon les immeubles. Quand on sait que le niveau sonore du périphérique peut atteindre 67 dB aux endroits les plus calmes et 78 dB aux plus bruyants, le chiffre peut paraître faible. Pourtant, le son est ainsi fait qu’il suffit d’une diminution du volume sonore de l’ordre de -5 dB pour percevoir une différence nette, et de -10 dB pour avoir l’impression d’un bruit divisé par deux, selon Bruitparif, l’observatoire en Ile-de-France. L’association a enregistré pendant un an - de juin 2012 à juin 2013 - la circulation sur un tronçon du périph à la Porte de Vincennes recouvert, pour expérience, d’un bitume antibruit. Son étude conclut à une «baisse significative», notamment dans les fréquences correspondant à la voix humaine, quelle que soit l’heure de la journée. Confort : dans les voitures, dans les appartements, on peut s’entendre parler. Enfin, autre conclusion de l’étude, le bitume antibruit permet une diminution du niveau sonore de 8,5 dB à l’heure la plus bruyante, c’est-à-dire entre 6 heures et 6 h 30 le matin, quand le trafic est fluide et que les voitures roulent le plus vite.

«La réussite de cette expérience nous a encouragés à étendre ce dispositif à huit tronçons du périph, les plus bruyants, où se concentrent de nombreuses habitations», explique Julien Bargeton, adjoint au maire de Paris, chargé des déplacements des transports et de l’espace public. Gilet jaune seyant sur son costume d’élu, il est venu sur le chantier du périph mettre les pieds dans le cambouis. Pour un non spécialiste, le bitume antibruit ressemble aux bitumes classiques. «C’est un mélange de gravillons, de liant. Pour l’antibruit, on rajoute du vide», explique Jimmy Pluquet, d’Eiffage, directeur de chantier des travaux du périph. C’est l’air maintenu entre les gravillons par le liant (un bitume et des adjuvants) qui «piège» le bruit des pneus au lieu de le laisser vagabonder sur la voie publique. Les gravillons doivent être petits mais pas trop, le taux de vide, important mais pas trop. Il y a vingt ans, on rajoutait de la poudre de pneus, un pneu par mètre carré. Mais ces bitumes s’usaient trop vite. A force de recherche et d’essais, toutes les boîtes de BTP ont mis au point leurs enrobés phoniques, baptisés de jolis noms évocateurs : Microphone pour Eiffage, Rugosoft pour Colas, Microville pour Screg, par exemple.

pose du revêtement antibruit sur la chaussée du périphérique porte de la muette le 10/07/2013 COMMANDE 20130783

Le bitume antibruit n’est pas vraiment plus cher que le bitume ordinaire : «1 euro de plus au mètre carré, explique le chef de chantier. C’est la pose qui est chère : 30 à 40% de plus par mètre carré.» La couche d’enrobé doit en effet être posée enune fois sur toute la largeur de la route pour éviter les joints, générateurs de bruit lorsqu’un véhicule roule dessus. La semaine dernière, sur le périphérique, les ouvriers penchés sur l’asphalte encore fumant s’activaient comme des jardiniers anglais sur un green de golf : bouchage du moindre trou, lissage à la pelle des bords de route, raclage des aspérités. Tout doit être lisse.

«Marginale». Mais malgré ce surcoût, la solution de l’enrobé antibruit est avantageuse. En comparaison, la couverture des 400 mètres du périphérique à la Porte de Vanves, en 2006, a coûté 58,5 millions d’euros… Les collectivités locales sont donc intéressées. Et Paris n’est pas pionnière en la matière. Boulevard Fleming à Marseille, boulevard Jean Jaurès à Nîmes, boulevard Charles-de-Gaulle à Maubeuge, périphérique de Nantes (lire ci-contre), autoroute A43 à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), RN88 à Gages-le-Pont (Aveyron)… Depuis plus de vingt ans, les bitumes antibruit apaisent de nombreuses voies rapides, essentiellement urbaines. Pour un marché national que les grands du BTP peinent pourtant à évaluer. «Notre production est marginale par rapport à celle d’enrobé classique», indique-t-on chez Colas, qui vante pourtant, comme ses concurrents, un «produit innovant».