Paris part en guerre contre la pollution automobile

LE MONDE | 30.10.2012 à 15h03

Par Sophie Landrin

 

Trop de voitures, trop de scooters, trop de pollution. Paris va intensifier sa politique de restriction de la circulation automobile, principal facteur de pollution de l'air dans la capitale.

 

Le 12 novembre, au Conseil de Paris, le maire Bertrand Delanoë présentera son plan de lutte contre la pollution : parmi les nouvelles mesures, la plus polémique consiste dans l'abaissement de la vitesse autorisée. De nouvelles "zones 30" vont être mises en place, notamment à la Goutte-d'Or dans le 18e arrondissement. Dans les rues autour des écoles, des équipements sportifs ou culturels, la Ville veut étudier avec la préfecture l'instauration progressive d'une vitesse limitée à 30 km/h. Certains grands axes seront également concernés : l'avenue de Clichy, à l'été 2013, et les grands boulevards.

La municipalité agira "au cas par cas" pour délimiter des axes où la réduction de la vitesse sera "crédible" pour les automobilistes et techniquement réalisable. Les résistances sont fortes de la part des banlieusards qui stigmatisent le "boboland" de Bertrand Delanoë, un Paris sans voitures, pour célibataires ou ménages fortunés. L'Automobile Club rejette "l'idée d'une généralisation des zones 30" et demande que la question soit soumise pour avis aux électeurs.

 

PASSER DE 80 KM/H À 70 KM/H SUR LE PÉRIPHÉRIQUE

 

Selon l'équipe municipale, cette mesure permettra de réduire la pollution, mais surtout les accidents. Une étude de l'Office national interministériel de sécurité routière estime qu'une diminution de 5 % de la vitesse réduit le risque d'accident corporel de 10 % et le risque d'accident mortel de 20 %. Sur le plan de la pollution, le bénéfice est davantage discuté : l'abaissement de la vitesse peut entraîner un surcroît d'émission de CO2 mais diminuer l'émission de particules fines, très nuisibles pour la santé, selon des études de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Sur le périphérique, la municipalité espère obtenir du gouvernement l'abaissement de la vitesse de 10 km/h, et passer de 80 km/h à 70 km/h.

L'interdiction des véhicules les plus anciens risques aussi de soulever de fortes réactions. Le maire de Paris proposera cette mesure dans le cadre de la discussion sur les "zones d'action prioritaire pour l'air" (ZAPA) que la ministre de l'écologie, Delphine Batho, a décidé de relancer après l'échec du précédent gouvernement. L'interdiction s'appliquerait à partir de septembre 2014 aux véhicules particuliers et utilitaires de plus de dix-sept ans, aux poids lourds de plus de dix-huit ans et aux deux-roues de plus de dix ans.

Le périmètre de cette zone d'exclusion irait jusqu'à l'autoroute A86. Le maire de Paris se dit favorable à un péage, non pas une barrière pour taxer l'entrée dans la capitale comme à Londres ou Stockholm, mais un système de péage au kilomètre sur les "autoroutes métropolitaines". En outre, la Ville veut obtenir l'interdiction de toute circulation de transit des poids lourds dans Paris et sur le périphérique. Elle proposera encore l'instauration d'un contrôle technique sur les deux-roues motorisés, un moyen de transport qui ne cesse de se développer à Paris. Ils étaient utilisés dans 9 % des déplacements en 2010, contre 4 % en 2001.

 

EN DIX ANS, LA CIRCULATION AUTOMOBILE A BAISSÉ DE 25 %

 

Il n'est pas certain que les Parisiens aient perçu le changement, tant la voiture reste omniprésente dans les rues de la capitale. Mais en dix ans, la circulation automobile a baissé de 25 %. Le comportement des Parisiens s'est transformé : 40 % ont abandonné la voiture pour se déplacer en transports publics, à pied ou à vélo. Seulement 7 % d'entre eux utilisent encore leur véhicule quotidiennement. L'usage du vélo a fait un bond spectaculaire. Il représente 3,1 % des déplacements.

Le système Vélib' compte désormais 250 000 abonnés. Cette évolution est la conséquence d'une double logique : la réduction de l'espace public qui rend de plus en plus difficile le stationnement et la circulation, et l'accroissement de l'offre de transports. En dix ans, 75 hectares de chaussée ont été réaménagés au profit des piétons, des vélos, des modes de déplacement "propres". Des lignes de tramway ont été ouvertes.

M. Delanoë se montre moins audacieux sur le vrai point noir de la qualité de l'air à Paris : la présence massive des véhicules diesel. Il demandera au gouvernement "la réduction progressive" des avantages fiscaux qui leur sont accordés. Le diesel avec ses émissions de particules fines et très fines, classées cancérogènes par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le 12 juin, fait de Paris une des villes les plus polluées d'Europe ; 60 % des bus de la RATP qui roulent au diesel dans Paris sont hors normes.

Sophie Landrin

Un boulevard périphérique moins bruyant ?

Depuis trois mois, Paris teste un nouveau revêtement sur une portion de 200 mètres du boulevard périphérique au niveau de la porte de Vincennes, destiné à réduire les nuisances sonores.

Selon Bruitparif, les tests montrent une diminution du bruit à la source, sur le périphérique de 7,5 dB, ce qui correspond à une division par 6 du volume sonore lié à la circulation. Sur les façades des immeubles riverains où ont été installées des stations de mesure, le bruit a diminué entre 2,2 et 4,3 dB, soit une réduction du trafic de l'ordre de 30 % à 70 %. Malgré ces améliorations, l'exposition des riverains les plus proches reste "non satisfaisante", selon l'étude : les valeurs réglementaires sont toujours dépassées de 2 à 6 dB pour les indicateurs réglementaires nocturnes. En revanche pour les niveaux diurnes, on s'approche des seuils réglementaires. L'expérience doit être poursuivie pour tester la résistance dans le temps de ce revêtement plus cher - entre 30 % et 40 % - que la chaussée traditionnelle.